Les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du Code du travail précisent qu’aucun salarié ne peut faire l’objet d’une discrimination, notamment en matière de classification ou d’avancement, en raison de ses activités syndicales.
En la matière, l’article L. 1134-1 aménage un système particulier de preuve :
D’abord, le salarié doit présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination.
Ensuite, au vu de ses les éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
L’affaire jugée le 2 juin 2016 a donné à la Cour de cassation l’occasion de donner son interprétation de ces règles ; notamment au regard du droit à réparation du salarié.
L’affaire concernait un salarié de la métallurgie, embauché en 1978 en qualité de fraiseur, classé II-1-170, puis II-3-190 en 1986 ; désigné comme délégué syndical depuis 1993.
Estimant n’avoir bénéficié d’aucune progression indiciaire depuis 1986, il avait saisi les Prud’hommes de diverses demandes au titre de la discrimination syndicale et demandait notamment son reclassement au niveau IV-2-270.
Cet arrêt appelle plusieurs observations :
1) La Cour de Cassation retient les notions de « progression indiciaire » et de « reclassification ». L’emploi de cette terminologie est contestable : c’est l’emploi qui est classé et non pas le salarié qui occupe le poste qui a fait l’objet du classement. De plus, les textes conventionnels de la métallurgie ne garantissent en aucun cas une progression indiciaire.
2) La Cour de cassation retient ici la méthode dite « du panel », bien connue des organisations syndicales qui souhaitent mener des actions en discrimination syndicale à l’égard des employeurs.
Cette méthode consiste à comparer les carrières de salariés investis de mandats syndicaux à un panel de salarié bénéficiant d’une ancienneté équivalente, d’un même niveau d’embauche et placés dans des conditions de travail similaire.
Ces panels sont traduits en graphique et en histogramme dont le but est de laisser supposer au juge l’existence d’une discrimination.
A charge ensuite pour l’employeur de démontrer que la différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs.
Dans son argumentaire, le salarié faisait valoir :
- que des tableaux comparatifs démontraient qu’il figurait dans le groupe des salariés dont le coefficient avait le moins évolué ;
- que chaque fiche annuelle d’évaluation ne faisait apparaître aucune évaluation négative ;
- que ses entretiens annuels faisaient ressortir un très bon comportement et des annotations favorables de la part de sa hiérarchie ;
- qu’il avait tout au long de sa carrière suivi de nombreux stages pour parfaire ses connaissances ;
- qu’il avait lui-même formé plusieurs personnes ;
- que, depuis 15 ans, il demandait à son employeur, par courrier et lors d’entretiens annuels, une évolution de sa carrière.
De son côté, l’employeur faisait état de ce que le classement de la fonction du salarié avait déjà progressé, puisque en 2014 il avait été classé niveau II-1-215.
Partant du descriptif de poste précis du salarié, l’employeur en avait déduit que l’intéressé ne remplissait aucune des conditions définies par l’accord de classification de la métallurgie pour se prévaloir d’un classement en niveau IV-2-270.
Au vu des éléments présentés par le salarié et au vu de la réponse donnée par l’employeur, la Cour de Cassation donne finalement raison au délégué syndical, considérant que le salarié a été victime d’une discrimination syndicale.
Selon la Haute Cour, la réparation du dommage consécutif à ce préjudice oblige l’employeur à replacer le salarié « dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu ». C’est-à-dire, à le « reclasser dans le coefficient de rémunération qu’il aurait atteint en l’absence de discriminations » : soit au niveau IV-2-270.
En l’absence de toute référence tirée de l’application des textes conventionnels, on ignore quels sont les éléments qui ont permis à la Cour de faire une telle déduction.
En effet, c’est bien le poste occupé par le salarié qui est classé ; non pas le salarié lui-même. Il semble donc difficile d’imaginer quel coefficient aurait pu finalement « atteindre » l’intéressé en l’absence de discrimination.
Cet arrêt donne une nouvelle fois l’occasion de s’interroger sur les éléments de « preuve contraire » que l’employeur peut rapporter en matière de discrimination syndicale.
A noter qu’il existe depuis 2010 dans la métallurgie un accord national sur le dialogue social, auquel les employeurs de la branche doivent se rapporter pour tenter d’anticiper toute difficulté en matière de discrimination syndicale (Accord du 26 avril 2010 « sur les voies et moyens du dialogue social dans la métallurgie », étendu le 18 octobre 2010, J.O. du 27).
A télécharger : Cass. soc. 2 juin 2016, n° 14-28.855