Lorsqu’une convention collective prévoit des majorations distinctes selon que le travail de nuit est habituel ou exceptionnel, il convient d’analyser la situation précise du travail du salarié.
C’est ce qui ressort de cet arrêt d’espèce, rendu dans le champ de la convention collective de la métallurgie de la région dunkerquoise.
Comme dans beaucoup de conventions collectives territoriales de la métallurgie, l’avenant « mensuels » de cette convention comporte, en matière de rémunération du travail de nuit, des dispositions spécifiques. En l’occurrence, deux articles 17 et 18 rédigés comme suit :
Article 17 : Majoration pour travail en équipes successives ou selon des horaires spéciaux imposés : « Lorsque le travail organisé par équipes successives avec rotation de postes comporte habituellement le travail de nuit (…) les heures de travail effectuées entre 22h et 6h ou 21h et 5h, à la condition que leur nombre soit au moins égal à 6, bénéficieront d’une majoration égale à 15% du salaire horaire (…) ».
Article 18 : Majoration pour travail exceptionnel de nuit, le dimanche ou un jour férié : « Lorsque l’horaire habituel de travail ne comporte pas de travail de nuit, les heures de travail effectuées entre 22h et 6h ou 21h et 5h, exceptionnellement, pour effectuer un travail urgent ou temporairement afin de faire face à un surcroît d’activité et à condition que leur nombre soit au moins égal à 6, bénéficieront d’une majoration de 100% (…) ».
L’opposition entre ces deux articles est a priori binaire : soit le travail de nuit est habituel et il est majoré à 15% ; soit il est exceptionnel et, donc, majoré à 100%. En cas de contentieux, les juges doivent donc analyser précisément la situation de fait.
En l’espèce, un salarié oxycoupeur réclamait l’application de l’article 18 précité (majoration des heures de nuit de 100%).
Pour l’employeur, seule la majoration de 15% de l’article 17 était applicable à ce salarié, du fait que :
- les horaires de nuit avaient un caractère cyclique, interdisant de les considérer comme un travail exceptionnel ;
- il ne s’agissait pas de travail urgent et temporaire ; l’entreprise étant amenée à recevoir des commandes industrielles lui fournissant du travail pendant plusieurs mois.
Pour débouter le salarié de sa demande, la Cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 29 mars 2013, avait retenu :
- que le travail du salarié comportait habituellement du travail de nuit au sens de l’article 17 ;
- qu’il ne travaillait pas en équipes successives avec rotation des postes, mais en horaire variable, affiché d’une semaine sur l’autre ;
- qu’il était habituellement occupé la journée et n’accomplissait des heures de nuit qu’à titre exceptionnel et temporaire, soit pour exécuter un travail urgent, soit pour faire face à un surcroît d’activité ;
- que l’éventualité d’un travail habituellement urgent et régulièrement en surcharge n’est pas visée par la convention collective.
Cet arrêt est cassé. L’analyse des faits faisait ressortir que le salarié n’était pas affecté à un travail en équipes successives avec rotation de postes, comportant habituellement du travail de nuit ; mais à un travail urgent ou temporairement, afin de faire face à un surcroît d’activité.
L’article 17 n’était donc pas applicable et les heures de nuit de l’intéressé devaient lui être majorées à 100 %.
A télécharger : Cass. soc. 25 juin 2015, n° 14-15.571