Qu’elle soit d’origine professionnelle ou non, l’inaptitude constatée par le médecin du travail met à la charge de l’employeur l’obligation de rechercher un reclassement du salarié sur « un autre emploi approprié à ses capacités » (art. L. 1226-2 al. 1 et L. 1226-10 al. 1 C. travail).
Mais qu’en est-il si le poste identifié requiert une formation ? Dans un arrêt du 11 mai 2016, publié au Bulletin, la Cour de Cassation répond clairement à cette question.
En matière de licenciement pour motif économique, le Code du travail est précis : le licenciement « ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés (…) » (art. L. 1233-4 al. 1).
En matière de reclassement consécutif à inaptitude, il n’en va pas de même : le Code du travail oblige simplement l’employeur à prendre en compte les capacités du salarié, sans que l’on sache s’il s’agit de capacités physiques ou intellectuelles.
L’affaire concernait un salarié qui occupait un poste de menuisier PVC, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement et qui avait saisi le Conseil de Prud’hommes.
Estimant que des postes administratifs ou commerciaux auraient pu lui être proposés après formation, ce salarié avait contesté son licenciement. Selon lui, en se contentant de retenir le caractère non approprié de ses capacités à de tels emplois, au seul motif qu’il avait toujours occupé le poste de menuisier PVC auquel il avait été formé, la Cour d’appel avait violé les dispositions du Code du travail.
- L’obligation de reclasser n’est pas une obligation de former.
Cet arrêt donne à la Cour de Cassation l’occasion de rappeler la frontière entre obligation de tenir compte des capacités et obligation de former : à l’égard d’un salarié qui a toujours occupé un poste de menuisier et qui n’a aucune compétence en matière administrative et commerciale, l’employeur n’a aucune obligation de lui assurer une formation un métier différent du sien.
Dans un arrêt du 24 avril 2013 (n° 12-13.369), la Cour de Cassation avait déjà jugé qu’il ne pouvait être reproché à un employeur de ne pas proposer à son salarié un poste de correspondant commercial ou d’attaché commercial itinérant, au motif qu’il n’était pas tenu de donner à ce salarié une formation de base relevant d’un autre métier que celui d’analyste programmeur qu’occupait le salarié en question.
- Et si l’employeur forme le salarié en vue d’un autre emploi, il doit faire attention aux conséquences.
Bien sûr, l’employeur qui le souhaite peut délivrer au salarié inapte une formation professionnelle, parfois longue, pour lui permettre d’accéder à un nouveau poste dans le cadre du reclassement.
Mais l’employeur doit, dans ce cas, en assumer les conséquences.
Ainsi, dans une autre affaire, un salarié, embauché comme cariste, puis déclaré inapte suite à un accident du travail, avait été reclassé un poste de guichetier. Pour lui permettre d’assurer ces nouvelles fonctions, l’employeur lui avait fait délivrer une formation professionnelle pendant 45 jours. Deux mois plus tard, le salarié était licencié pour inaptitude au poste de guichetier et insuffisance professionnelle.
Le salarié avait plaidé la nullité de son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes et obtenu gain de cause.
Les juges ont estimé que lorsqu’un salarié déclaré inapte est reclassé sur un poste qui ne correspond pas sa formation initiale, l’employeur ne peut lui reprocher son insuffisance professionnelle et le licencier de ce chef.
Ce licenciement, fondé sur une insuffisance professionnelle, c’est-à-dire sur l’incapacité du salarié à exercer ses nouvelles fonctions, a été jugé contraire à la législation sur l’inaptitude d’origine professionnelle (Cass. Soc., 7 mars 2012, n° 11-11.311) et frappé de nullité ; ce qui ouvre droit à l’indemnité prévue à l’art. L. 1226-15 C. travail, qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire.
A télécharger : Cass. soc. 11 mai 2016, n° 14-12.169