L’affaire soumise à la Haute Cour était la suivante :
Un employeur et un salarié avaient signé le 6 juin 2009 une convention de rupture fixant au 16 juillet 2009 la date de rupture du contrat travail. Le délai de rétractation expirait le 22 juin 2009. Le 21 juin 2009, l’avocat du salarié adressait à l’administration un courrier indiquant que son client entendait rétracter la convention de rupture. Puis, par courrier du 2 juillet 2009 adressé à son employeur, le salarié prenait acte de la rupture de son contrat travail aux torts de ce dernier et initiait une procédure prud’homale.
L’arrêt du 6 octobre 2015, publié au Bulletin, donne à la Cour de cassation l’occasion de confirmer implicitement la faculté d’une des parties de se rétracter par l’entremise de son avocat ; mais surtout de répondre à deux questions :
– Quelle est la portée d’une rétractation de rupture conventionnelle adressée à l’administration du travail ?
– Quelle est la portée d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail intervenant entre la date de fin du délai de rétractation et la date d’échéance du contrat travail ?
- Une rétractation adressée à l’administration du travail est sans valeur.
L’article L. 1237-13 al. 3 C. travail précise qu’à compter de la date de signature de la convention par les deux parties, chacune dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé par une lettre adressée à l’autre partie.
La décision de la Cour était logique : la compétence de l’autorité administrative en matière de rupture conventionnelle ne porte que sur l’homologation de la convention, en application de l’art. L. 1237-14.
Le droit de rétractation n’appartient qu’aux seules parties contractantes, en leur permettant de revenir sur leur engagement. Or, l’autorité administrative est un tiers à la relation contractuelle : la rétractation qui lui était adressée ne pouvait produire aucun effet.
- Quelle est la portée d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail entre la date de fin du délai de rétractation et la date d’échéance du contrat travail ?
Un laps de temps d’une durée minimale de 3 à 4 semaines peut s’écouler entre ces deux délais (délai d’homologation de 15 jours ouvrables, délai d’acheminement postal ; voire délai convenu entre les parties pour reporter la date d’effet de la rupture du contrat, etc.).
Pour la Cour de cassation, la réponse est claire : un salarié ne peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail, dans ce délai que pour des « manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période ».
En l’espèce, le délai de rétractation expirait le 22 juin 2009 et la date de rupture du contrat travail avait été fixée par les parties au 16 juillet 2009.
Or, la Cour a constaté que les manquements invoqués par le salarié à l’appui de sa prise d’acte de rupture étaient antérieurs au 22 juin 2009, date d’échéance du délai de rétractation.
La Cour de cassation en tire comme conséquence que la prise d’acte de rupture était de nul effet et rejeté le pourvoi du salarié.
Cet arrêt est l’occasion de rappeler que, si la rupture conventionnelle, dont le succès ne se dément pas, est une procédure relativement simple à mettre en œuvre et bien sécurisée au plan juridique, elle exige une gestion rigoureuse.
A télécharger : Cass. soc. 6 octobre 2015, n° 14-17.539