Cet arrêt d’espèce de la Cour d’appel de PARIS donne l’occasion d’inviter les employeurs à demeurer vigilants quant au formalisme qu’ils doivent attacher à l’élaboration et à l’affichage des notes de service destinées à servir, le cas échéant, de support à l’application d’une procédure disciplinaire.
Il permet plus globalement de rappeler l’importance à attacher aux formalités de dépôt et de publicité du règlement intérieur, qui conditionnent son entrée en vigueur et son opposabilité aux salariés concernés.
L’affaire concernait un salarié licencié pour faute grave en 2015 après 10 ans d’ancienneté, aux motifs suivants : non-respect d’une interdiction de se restaurer dans les vestiaires, refus de nettoyer ses déchets, menaces de représailles à l’égard de son supérieur hiérarchique.
Le Conseil de Prud’hommes avait requalifié la rupture en licenciement pour cause réelle sérieuse et condamné l’employeur à verser un certain nombre d’indemnisations au salarié. Le salarié a fait appel de cette décision.
Au soutien des griefs qu’il faisait à son salarié, l’employeur produisait notamment une note dactylographiée non signée, interdisant au personnel de se restaurer dans les vestiaires.
Dans son arrêt, la Cour rappelle également qu’en application de l’article L. 1321-5 du Code du travail, « les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre (…) ».
En l’espèce, outre le fait que l’employeur ne produisait pas le règlement intérieur de l’entreprise dont mention était faite dans le contrat travail du salarié, la Cour retient que le document produit par l’employeur et présenté par lui comme une note de service « ne présente pas le formalisme minimal exigible d’une note de service avec le nom, la fonction et la signature de l’émetteur, la date d’émission et un numéro d’enregistrement ».
La Cour en tire comme conséquence qu’un tel document ne pouvait recevoir la qualification de « note de service » au sens de l’article L. 1321-5 précité ; le grief de restauration dans les vestiaires retenu à l’appui de licenciement ne pouvant dès lors être retenu.
Certaines des mentions du formalisme minimum exigé par la Cour pour qualifier l’existence d’un note de service semblent aller de soi : la mention des nom, fonction et signature de l’émetteur de la note permettent d’identifier sans équivoque son auteur, comme son niveau hiérarchique ou son niveau d’autorité quant au domaine disciplinaire visé.
La mention de la date d’émission permet de vérifier l’antériorité de l’entrée en vigueur de la note de service au regard de la date d’engagement d’une procédure disciplinaire, donc son opposabilité aux salariés visés, puisque la date d’entrée en vigueur de cette note doit nécessairement être postérieure d’un mois au moins à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité (voir ci-après).
L’obligation posée par la Cour de mentionner sur la note de service un « numéro d’enregistrement » paraît en revanche plus étonnante.
En effet, à la différence des factures – par exemple – pour lesquelles la réglementation impose une numérotation chronologique, aucun texte du droit du travail n’impose de numéroter les notes de service portant obligations générales et permanentes dans les matières relevant du règlement intérieur ; même s’il est vrai que les entreprises ont souvent pour habitude de les numéroter, ne serait-ce que pour assurer la « traçabilité » dans le temps des supports qu’elles affichent.
On précisera toutefois qu’en l’espèce, l’arrêt retient que la note de service litigieuse, non signée, avait été produite la veille de l’audience de jugement prud’homal : peut-être les juges soupçonnaient-ils l’employeur d’avoir souhaité établir au dernier moment un document pour les seuls besoins de la cause, mais dont l’authenticité était incertaine.
La mention d’un « numéro d’enregistrement » sur ce document litigieux aurait peut-être d’avantage permis son authentification aux yeux des juges.
Au-delà des faits, cet arrêt du 4 décembre 2018 amène à rappeler les conditions de validité de la note de service portant obligations générales et permanentes dans les matières du règlement intérieur. Une telle note est assimilée au règlement intérieur. Dès lors, son formalisme d’élaboration et de mise en œuvre est alors le même ; par exemple, si cette note porte sur des questions d’hygiène, de sécurité ou de discipline.
Comme le règlement intérieur, la note de service, unilatéralement rédigée par la direction de l’entreprise, ne peut être mise en œuvre dans l’entreprise qu’après avoir été préalablement soumise à l’avis des représentants du personnel, s’ils existent (comité social et économique désormais – art. L. 1321-4 C. trav. ; auparavant : comité d’entreprise ou, à défaut, délégués du personnel, ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, CHSCT).
On rappellera que, lorsque l’entreprise est dotée d’un CHSCT, la consultation de cette instance, dans les limites de son champ de compétence, devait précéder celle des autres instances représentatives existantes dans l’entreprise.
Comme le règlement intérieur, la note de service doit ensuite être communiquée en double exemplaire à l’inspection du travail (art. R. 1321-4 C. trav.), accompagnée de l’avis des instances représentatives du personnel qui ont été consultées (art. L. 1321-4 C. trav.). Elle doit ensuite être déposée au secrétariat-greffe du Conseil de Prud’hommes de l’entreprise ou de l’établissement (art. R. 1321-2 C. trav.) et portée, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche (art. R. 1321-1 C. trav.).
(A noter que, jusqu’à un décret du 20 octobre 2016, le règlement intérieur devait être « affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l’embauche ». La communication des notes de service aux personnels est désormais dématérialisable).
Le règlement intérieur et la note de service doivent également indiquer la date à partir de laquelle ils entrent en vigueur ; cette date devant être postérieure d’un mois au moins à l’accomplissement des formalités de dépôt et de publicité précitées (art. L. 1321-4 et R. 1321-3 C. trav.).
La Cour de Cassation a déjà eu l’occasion de rappeler que l’absence de justification de la consultation des représentants du personnel et de communication du règlement intérieur à l’inspecteur du travail avait pour conséquence de priver l’employeur de la possibilité de reprocher au salarié un manquement aux obligations édictées au règlement intérieur ; ce qui en pratique interdit à l’employeur de pouvoir invoquer une faute grave du salarié, ni même un motif réel et sérieux de licenciement de ce fait (Voir notamment Cass. soc., 9 mai 2012, n° 11-13687).
En revanche, on observera qu’il a été jugé qu’un salarié peut, s’il y trouve lui-même intérêt, se prévaloir du contenu d’un règlement intérieur, même en l’absence de communication de ce dernier par l’employeur à l’inspection du travail (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 97-43411).