Exiger d’un employeur qu’il présente au salarié reconnu inapte des propositions de reclassement faites par écrit, c’est ajouter à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.
C’est en substance ce que la Cour de cassation a décidé dans un arrêt du 31 mars 2016, publié au Bulletin.
Dans cette affaire, un salarié avait été déclaré inapte au poste de manager du département boucherie qu’il occupait dans un hypermarché. Il avait été licencié en juin 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; suite à une inaptitude d’origine non-professionnelle.
On sait qu’en matière de reclassement dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, l’art. L. 1233-4 C. travail exige expressément que les offres de reclassement proposées au salarié soient écrites et précises.
Mais en matière de licenciement pour inaptitude, il n’en va pas de même.
L’art. L. 1226-2 C. travail exige que la proposition de reclassement prenne en compte les conclusions écrites du médecin du travail et que l’emploi proposé soit aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé. Mais si les conclusions du médecin du travail sont nécessairement écrites, le Code du travail est muet sur la forme que doit prendre la proposition d’emploi faite au salarié : la loi n’exige pas qu’elle soit faite par écrit.
En l’espèce, le salarié licencié reprochait à l’employeur de ne pas avoir formulé ses propositions de reclassement par écrit et donc de ne pas avoir respecté son obligation de reclassement.
L’employeur avait réuni les délégués du personnel le 31 mai 2011 dans le cadre de cette recherche de reclassement – bien que n’y étant pas obligé, s’agissant d’une inaptitude d’origine non professionnelle. Lors de cette réunion, à laquelle le salarié avait été convié, plusieurs postes de reclassement lui avaient été proposés.
Un procès-verbal de cette réunion avait été établi, qui faisait notamment état des propos tenus par le salarié lors de cette réunion, par lesquels il refusait globalement et sans équivoque tous les postes de reclassement proposés.
Ce procès-verbal permettait d’établir qu’en tout état de cause, des solutions de reclassement avaient effectivement été proposées au salarié.
Pour la Cour de cassation, en retenant que les propositions de reclassement devaient être écrites, le juge du fond avait ajouté à l’art. L. 1226-2 C. travail une condition qu’il ne prévoit pas, violant ainsi ce texte. L’arrêt de la Cour d’appel est cassé et annulé (Amiens, 8 octobre 2014).
Il s’agit d’un arrêt rendu dans le cadre d’une inaptitude d’origine non professionnelle. Mais la Cour de Cassation aurait vraisemblablement pris la même décision si l’inaptitude avait eu une origine professionnelle.
Malgré cet arrêt, pour d’évidentes raisons de preuve et de traçabilité, on ne peut que conseiller aux employeurs de soigner la formulation écrite des propositions de reclassement qu’ils doivent faire à leurs salariés inaptes. En effet, la jurisprudence s’inspire souvent de l’obligation de reclassement prévue par le Code du travail en matière de licenciement pour motif économique qui, elle, est beaucoup plus formelle (exigence d’une offre écrite et précise, obligation de recherche de reclassement au sein du groupe dont fait partie l’entreprise, le cas échéant, etc.).
A télécharger : Cass. soc. 31 mars 2016, n° 14-28.314