Afin d’accompagner leurs ingénieurs et cadres vers des missions d’expatriation, les employeurs prévoient souvent de multiples incitations pécuniaires dans leur contrat de travail.
Mais en cas de licenciement comme en cas de rupture conventionnelle de l’ingénieur ou cadre expatrié, au moment de calculer les indemnités de rupture, l’employeur de la métallurgie doit nécessairement prendre en compte l’ensemble des éléments de rémunération qu’il a contractuellement garantis.
Par un arrêt du 1er décembre 2016, publié au Bulletin, la Cour de Cassation vient de donner un éclairage particulier à la lecture de l’article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, concernant la détermination de l’assiette de calcul de l’indemnité de licenciement.
L’affaire concernait un ingénieur du groupe Thomson, aujourd’hui Thalès, embauché en 1974.
Après une expatriation en Chine en 2006, le salarié avait signé en 2010 une rupture conventionnelle avec son employeur.
Son contrat de travail comportait un article « Rémunération », qui intégrait les éléments suivants :
- une rémunération annuelle brute ;
- une rémunération variable ;
- une prime mensuelle d’expatriation ;
- une prime différentielle destinée à compenser la différence entre les conditions du pays d’origine et les conditions du pays d’accueil ;
- l’obligation pour le salarié de payer l’impôt sur le revenu français ; mais aussi l’obligation pour l’employeur de payer, dans le pays d’accueil, l’intégralité de l’impôt relatif aux revenus salariaux.
Cette dernière clause obligeait l’employeur à prendre en charge l’impôt dû par son salarié expatrié.
Il ressort de l’arrêt que l’indemnité de rupture conventionnelle n’avait – semble-t-il – été calculée que sur la seule rémunération annuelle brute, soit en l’espèce 105 400 € bruts.
Dans un arrêt du 11 février 2015, la Cour d’appel de Paris avait jugé qu’il convenait de réintégrer dans l’assiette de calcul de l’indemnité de rupture la rémunération variable, la prime d’expatriation, la prime différentielle ; de même que le remboursement de l’impôt.
Dans son pourvoi, la société Thalès ne contestait pas l’intégralité de la régularisation d’assiette décidée par la Cour d’appel, mais uniquement celle portant sur le paiement par l’employeur de l’impôt sur les revenus salariaux de l’expatrié.
1°) Quelles sont les règles en matière de détermination de l’assiette de l’indemnité de licenciement ?
- Dans le code du travail :
L’article L. 1234-9 précise que le salarié licencié alors qu’il a au moins un an d’ancienneté a droit, sauf faute grave, à une indemnité de licenciement, calculée en fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement à la rupture de son contrat de travail.
L’article L. 3221-3 précise que constitue une rémunération « le salaire ou traitement ordinaire de base au minimum et tous les autres avantages accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier ».
L’acception donnée de la notion de rémunération par le Code du travail est donc très large.
- Dans la Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie :
L’article 29 précise que « l’indemnité de licenciement est calculée sur la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels, dont l’ingénieur ou cadre a bénéficié au cours de ses 12 derniers mois précédant la notification du licenciement».
2°) Assiette de calcul de l’indemnité : rien que la rémunération, mais toute la rémunération.
C’est ce que décide la Cour de cassation dans son arrêt du 1er décembre 2016 : les parties avaient d’un commun accord défini dans un article « Rémunération » de leur contrat de travail un ensemble de rémunérations et avantages qui devaient tous rentrer dans l’assiette de calcul de l’indemnité de rupture définie par l’article 29 de la Convention collective.
Alors même qu’aucune règle ne l’y obligeait, l’employeur s’était engagé contractuellement à payer les impôts dus par son salarié expatrié, dans le chapitre « rémunération » du contrat de travail.
Cette prise en charge par l’employeur constituait indéniablement un « avantage contractuel » au sens de l’article 29 précité. Dès lors, le montant des impôts payé devait aussi être pris en compte pour déterminer l’assiette de calcul de l’indemnité de rupture.
En l’espèce, l’employeur avait réglé 188 500 € au titre de l’indemnité de rupture. Mais, au titre des régularisations, c’est plus de 530 000 € qu’il a dû débourse. A elle seule, la réintégration du montant de l’impôt majorait l’assiette de calcul de plus de 57 000 €.
À noter que, depuis un avenant du 21 juin 2010, l’article 30 bis de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie précise que l’indemnité de rupture conventionnelle est au moins égale à l’indemnité de licenciement de l’article 29.
L’arrêt du 1er décembre 2016, rendu dans le cadre d’un litige relatif au calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle est, de notre point de vue, transposable à la détermination de l’assiette de calcul des indemnités de licenciement et de mise à la retraite des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Elle invite notamment les entreprises à être particulièrement attentives à la rédaction des clauses afférentes à la rémunération de leurs cadres expatriés.
A télécharger : Cass. soc. 1er décembre 2016, n° 15-15100