La Cour de cassation confirme que les non-cadres de la métallurgie, transposés « cadres » en application de l’accord national du 29 janvier 2000 portant révision provisoire des classifications, ne peuvent bénéficier du mécanisme de progression automatique triennale prévue par la CCN des ingénieurs et cadres de 1972 pour les ingénieurs et cadres confirmés.
Voilà une décision qui contribuera à sécuriser la situation des salariés transposés, à la satisfaction des entreprises de la Métallurgie.
Pour bien comprendre le sens à donner à cet arrêt, il faut se replonger dans le contexte historique dans lequel a été signé cet accord national du 29 janvier 2000 portant révision provisoire des classifications. En effet, cet accord a permis aux entreprises de la métallurgie de convertir un certain nombre de leurs salariés non-cadres aux vertus du forfait annuel en jours.
Le 19 janvier 2000, la loi « Aubry II », réformant la durée du travail, était votée.
Outre la fixation de la durée légale à 35 heures, cette loi créait notamment un nouvel instrument de décompte du temps de travail : le forfait en jours sur l’année ; toutefois réservé à l’époque aux seuls salariés cadres.
Afin, notamment, d’élargir les catégories de salariés susceptibles de se voir proposer un forfait-jours sur l’année dans la branche, l’UIMM avait signé dès le 29 janvier 2000 un accord « portant révision provisoire des classifications », avec les organisations FO, CFE-CGC et CFTC.
Cet accord instaurait, en parallèle à la Position I de la classification des ingénieurs et cadres de la métallurgie de 1972, un régime de classement permettant, par avenant au contrat travail, de faire passer « cadre », sans promotion, certaines catégories de personnels non-cadres.
Ainsi, face à l’impossibilité légale d’ouvrir le forfait-jours aux non-cadres, l’idée des signataires de l’accord de 2000 était de permettre à certains personnels non-cadres d’accéder à un régime de classement cadre et de les rendre ainsi éligibles au forfait-jours ; sans pour autant que ces « cadres transposés » ne puissent se prévaloir de la plénitude de l’application de la CCN des ingénieurs et cadres.
Notamment, sans qu’ils ne puissent bénéficier du mécanisme de progression automatique triennale prévu par les articles 21 et 22 de la CCN de 1972 pour les cadres confirmés.
Depuis cette époque, le cadre légal et conventionnel a évolué sur ce sujet :
Une loi « PME » du 2 août 2005 a autorisé, sous certaines conditions, l’ouverture du forfait jour à certains non-cadres. La branche de la métallurgie, tirant les conséquences de cette loi, a signé le 3 mars 2006 un accord définissant notamment les catégories de personnels non-cadres susceptibles, sous certaines conditions, de se voir proposer une convention de forfait en jours sur l’année.
Compte tenu de ces dispositions et, a fortiori, depuis les évolutions issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, les entreprises de la métallurgie n’ont plus besoin de faire application de l’accord national portant révision provisoire des classifications du 29 janvier 2000 pour mettre en place un régime de forfait jour pour certains de leurs salariés non-cadres.
Cet accord de 2000 est toujours actuellement en vigueur, mais ne présente donc plus aujourd’hui qu’un intérêt anecdotique.
Reste à traiter les contentieux nés de l’application de cet accord.
Or, par construction, la compréhension et la bonne application du dispositif de transposition et de « classement parallèle » des emplois instauré par l’accord national de 2000 étaient relativement complexes.
Dans la présente affaire, un employeur avait été saisi par ses délégués du personnel de la question de savoir pourquoi les « cadres transposés » de l’entreprise ne bénéficiaient pas de la progression automatique triennale prévue par les articles 21 et 22 de la CCN des ingénieurs et cadres de 1972.
Un syndicat – FGMM-CFDT, non signataire de l’accord national de 2000 – avait notamment saisi le Conseil de prud’hommes pour enjoindre l’employeur à régulariser la situation des salariés cadres transposés au regard de la progression triennale indiciaire, et obtenir des dommages et intérêts.
Le Conseil de prud’hommes avait donné raison audit syndicat ; décision confirmée par la Cour d’appel de Versailles, le 20 octobre 2015.
L’arrêt du 20 octobre 2015 est cassé et annulé : dans son arrêt du 26 janvier 2017, la Cour de Cassation réaffirme que si la grille de classification instaurée par l’accord de 2000, parallèlement à la Position I, permet aux salariés intéressés de bénéficier de la qualité de cadre, elle ne leur permet pas de bénéficier du mécanisme de progression automatique triennale prévu par les articles 21 et 22 pour les ingénieurs et cadres confirmés.
Cet arrêt vient clarifier la lecture qu’il convient de faire de l’avenant du 29 janvier 2000.
Il confirme un arrêt rendu sur le même sujet par la Chambre sociale le 6 juillet 2016 (pourvoi n° 15-12.188).
L’affaire concernait une salariée de la métallurgie de la région Dunkerquoise.
En application de l’accord précité de 2000, elle avait, par avenant à son contrat de travail, été placée à l’indice 12 de la grille de transposition, correspondant à l’indice 76 de la classification des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Elle réclamait le passage à un coefficient supérieur.
Dans cette affaire, la Cour de Cassation avait pris soin de relever que l’avenant signé par la salariée se bornait, sans modifier ses fonctions de formateur principal, à tirer les conséquences de l’accord national de transposition et conclu que l’intéressée ne pouvait bénéficier du mécanisme de progression automatique triennale.
Désormais, les contentieux générés par l’application de l’avenant du 29 janvier 2000, au demeurant complexe, devraient pouvoir se régler par référence au raisonnement retenu par la Cour de Cassation dans l’arrêt de 2016 précité et confirmé dans ce dernier arrêt de 2017.
Une précision toutefois :
Le raisonnement adopté ne vaut que pour l’ingénieur ou cadre « transposé » de la Métallurgie, en vertu de l’accord de 2000 portant révisions provisoires des classifications et non pour le salarié non-cadre promu cadre.
Le salarié non-cadre, promu cadre dans l’entreprise au cours de sa carrière peut, quant à lui, se prévaloir de la CCN des ingénieurs et cadres de la métallurgie de 1972 dans toute sa plénitude et, notamment, revendiquer le bénéfice du mécanisme de progression automatique de son indice de classement en application des articles 21 et 22 de ladite CCN.
A télécharger : Cass. soc. 26 janvier 2017, n° 15-27.209