Surcharge de travail persistante, absence d’entretien annuel d’évaluation, travail pendant un arrêt maladie, éléments médicaux décrivant des signes de souffrance au travail,… : autant d’éléments qui laissent supposer un harcèlement moral, même en l’absence d’intention de son auteur. L’inaptitude médicale qui en résulte rend nul le licenciement pour ce motif.
C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 10 juin 2015.
Dans cette affaire, après plusieurs arrêts maladie et à l’issue des visites médicales de reprise, un salarié avait été déclaré inapte à son poste et licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 3 septembre 2010.
Dans son arrêt du 11 juin 2013, la Cour d’appel de Nîmes avait considéré que le licenciement était nul, au motif que l’inaptitude du salarié avait pour origine le harcèlement moral dont il avait fait l’objet.
La Cour d’appel avait condamné l’employeur à payer au salarié des dommages-intérêts, après avoir constaté :
- que le salarié se plaignait depuis 2004 d’une surcharge de travail, qui avait persisté malgré les demandes écrites du salarié auprès de la direction en 2008 ;
- le non-respect des dispositions conventionnelles relatives à la fixation de sa rémunération et à l’organisation d’un entretien annuel d’évaluation,
- que le salarié avait été à plusieurs reprises été sollicité pour travailler sur des dossiers alors qu’il était en arrêt maladie ;
- l’existence dans son dossier d’éléments médicaux qui décrivaient des signes de souffrance au travail.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur.
Après avoir rappelé qu’un harcèlement moral peut être constitué indépendamment de l’intention de son auteur, elle conclut que l’ensemble de ces éléments laissaient supposer un harcèlement moral et que l’employeur ne démontrait pas que ses agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La Cour de cassation confirme ici sa jurisprudence.
Elle a déjà jugé qu’une inaptitude ayant pour seule origine un état dépressif réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont le salarié avait fait l’objet, rendait le licenciement nul (Cass. soc. 13 février 2013 n° 11-26.380 ; Cass. soc. 3 avril 2013 n° 11-27.054 ; Cass. soc. 29 mai 2013 n° 12-16.515).
Les responsables RH d’entreprises pourront toutefois s’étonner qu’en l’espèce, l’absence d’organisation d’un entretien annuel d’évaluation ait été retenue parmi les éléments constitutifs d’un harcèlement moral susceptible d’être à l’origine d’une inaptitude médicale…
A télécharger : Cass. soc. 10 juin 2015, n° 13-22.801